Les déchets de plantes invasives
La bonne gestion des plantes invasives passe également par la bonne gestion des déchets que cela génère. Il est indispensable de prendre garde au risque de dissémination inhérent aux déchets issus des chantiers de gestion. Une fois extraites de leur aire d’implantation, certaines plantes peuvent conserver leurs aptitudes à se reproduire, que ce soit par graines ou par bouturage.
Ainsi, au regard de ces risques et de la réglementation en vigueur, il est inenvisageable de s’en débarrasser sans y réfléchir : il s’agit aujourd’hui de valoriser cette matière, mais avec grande prudence.
Étude en Centre-Val de Loire
Entre septembre 2020 et février 2021, le GTEEE a conduit un état des lieux scientifique et sociotechnique sur la problématique de la gestion des déchets de plantes invasives en région.
Ce travail vise à proposer aux gestionnaires de Centre-Val de Loire des solutions opérationnelles pour évacuer et valoriser en sécurité les déchets issus de chantiers de gestion des PEE.
L’infographie issue de l’enquête menée auprès de gestionnaires de milieux naturels régionaux est disponible en cliquant ici.
Le rapport d’étude est également téléchargeable en cliquant ici.
Plan régional d’élimination des déchets de PEE actualisé en 2021 !
Pour plus d’informations, consultez le rapport relatif à l’élaboration d’un plan régional de valorisation des déchets issus des chantiers de gestion de plantes invasives (D. VIAL, 2014).
N’hésitez pas à contacter le Conservatoire d’espaces naturels Centre-Val de Loire pour échanger ou obtenir des informations complémentaires, des conseils, un appui technique, sur la gestion des déchets de plantes invasives.
La réglementation associée
Les résidus issus de l’enlèvement de plantes sont assimilés à des déchets organiques et plus précisément à des déchets verts. Ils peuvent être considérés comme des biodéchets. Ces textes réglementaires incitent à leur valorisation plutôt qu’à leur simple élimination.
Tout abandon des déchets est un acte répréhensible et puni par la loi. Ainsi, on ne peut légalement laisser sur place des déchets de plantes invasives, même s’ils sont biodégradables. De même, le brûlage à l’air libre est interdit sauf dérogation. Il n’est pas non plus possible de les apporter en décharges, ces dernières n’acceptant plus, depuis 2002, que les déchets dits ultimes.
Reste la possibilité de les emmener en déchetteries mais ce serait s’exposer à leur dispersion car rien n’y est encore mis en œuvre pour leur gestion.
Pour aller plus loin :
- une synthèse réglementaire relative aux espèces exotiques envahissantes du Centre de ressources sur les EEE national (téléchargeable ici) ;
- les chapitres « Réglementation » du guide technique « Accompagner le traitement des déchets des déchets de plantes exotiques envahissantes issus d’intervention de gestion » du Centre de ressources sur les EEE national (téléchargeable ici) ;
- une synthèse sur la réglementation relative à la gestion et la valorisation agronomique des déchets de PEE (UICN, 2019) sur le site du Centre de ressources sur les EEE national (téléchargeable ici) ;
- les chapitres « Réglementation » et « Gestion et valorisation des déchets » du Manuel de gestion des plantes exotiques envahissant les milieux aquatiques du bassin Loire-Bretagne (FCen, 2018) (téléchargeable ici).
Éliminer des déchets de plantes invasives : les bonnes pratiques pour éviter la dissémination
- Nettoyer tout le matériel ayant servi au chantier pour éliminer les fragments qui le souillent (penser au broyeur et aux roues des véhicules présents sur le site) ;
- Bâcher les remorques et bennes de transport lors de l’acheminement auprès du centre de traitement ;
- Si un stockage intermédiaire est nécessaire avant le traitement, appliquer une bâche sur les tas de déchets. Faire de même si c’est possible sur la plateforme de stockage du centre de traitement. S’assurer qu’aucun cours d’eau ne se trouve à proximité et que la zone n’est ni humide, ni inondable ;
- Ne pas déposer les déchets en déchetterie, ni les confier à une plateforme de broyage, afin de ne pas perdre leur traçabilité et de ne pas multiplier les intermédiaires avant le traitement final.
Quelles sont les voies de traitement possibles ?
Au regard de la réglementation, les déchets issus des chantiers de gestion de plantes invasives doivent être valorisés : par voies de compostage ou de méthanisation principalement.
Modalités de traitement des DPI en fonction des caractéristiques de l’espèce de plante invasive considérée
Compostage de plantes invasives, quelles précautions prendre au cours du traitement pour éviter leur dissémination ?
Production de digestat issu de plantes invasives par méthanisation, quelles précautions prendre au cours du traitement pour éviter leur dissémination ?
D’autres types de valorisation peuvent être utilisées en fonction du contexte :
- L’épandage agricole est intéressant pour les plantes aquatiques et doit être réalisé dans le cadre d’un plan d’épandage. Les parcelles doivent être hors zones humides et inondables.
- L’éco-pâturage, qui ne produit pas de déchets et permets la consommations des plantes avec un minimum d’intervention ;
- La valorisation alimentaire, notamment pour les plantes ayant été introduites initialement pour cet usage ;
- La valorisation chimique qui consiste en l’extraction de composés moléculaires qui seront ensuite valorisées en pharmacologie, cosmétologie etc.
En savoir plus sur les déchets de plantes invasives :
Les terres contaminées
Dans la continuité de l’étude portant sur la valorisation agronomique des déchets verts de plantes exotiques envahissantes issus de chantiers de gestion en milieu naturel, un nouvel axe de travail portant sur la gestion des « terres contaminées » par des propagules de plantes exotiques envahissantes a fait l’objet d’un premier état des lieux. Son objectif principal était d’analyser la possibilité de développer une filière régionale similaire à celle de la valorisation agronomique des déchets pour le traitement des terres contaminées. Pour cela, il a été nécessaire d’identifier les possibilités de stockage, de traitement, d’élimination et de valorisation de ces terres. Par ailleurs, des mesures de précaution associées à la manipulation de ces terres lors des interventions de gestion de plantes exotiques envahissantes en milieu naturel ainsi que des pistes d’actions de prévention ont été identifiées.
Une réglementation à définir en France
La définition du cadre règlementaire français est un point important qui a été rapidement éclairci. En France, il n’existe actuellement aucune règlementation sur le traitement des terres « contaminées », terme n’ayant d’ailleurs aucune signification administrative précise. Aucun texte de loi n’indique le caractère « dangereux » ou « pollué » de ce type de déchets. Ce constat s’explique notamment par le fait que la France n’est pas (encore) dotée de loi sur les sols. En d’autres termes, considérées comme des déchets inertes non-dangereux d’après le Code de l’Environnement, ces terres doivent être gérées conformément à la législation applicable (ordonnance 2010-1579 du 17 décembre 2010), notamment en ce qui concerne la responsabilité et la traçabilité.
En matière de responsabilité, tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ceux-ci jusqu’à leur élimination ou valorisation finale. Par ailleurs, tout producteur ou détenteur de déchets doit s’assurer que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge (art. R541-2 CE).
Techniques de traitement connues
Un travail de recherche des différentes techniques de traitement de ces terres a été mené et les pratiques les plus couramment utilisées par les gestionnaires ont été identifiées. Lorsque des terres excavées contiennent des propagules de plantes exotiques envahissantes, générant un risque de dispersion de ces espèces en cas de conditionnement inadapté, il apparait que ces terres sont généralement enfouies sur site, accompagnées d’un suivi de contrôle des reprises en surface. C’est notamment le cas pour la Crassule de Helms (Crassula helmsii) et les renouées. Dans d’autres cas, les terres sont laissées à l’abandon sur place. En effet, en l’absence de lignes directrices, le gestionnaire opte souvent pour la solution la plus pratique et la moins coûteuse. Cependant, des techniques de traitement ont été mise au point et ont fait leur preuve, notamment sur des terres abritant des rhizomes de renouées. Ces techniques permettent un traitement sur place et limitent le transport et la manipulation, réduisant ainsi considérablement les risques de dissémination.
Le concassage-bâchage consiste à concasser les terres colonisées à l’aide d’un godet concasseur ou d’un broyeur à pierre, à les redéposer sur la zone d’excavation, puis à les recouvrir d’une bâche plastique épaisse et noire jusqu’à décomposition des rhizomes. Cette méthode a principalement été développée et appliquée par le bureau d’études Concept Cours d’Eau.
Le criblage-concassage consiste à cribler les matériaux afin de séparer la partie fine (réutilisable) de la partie grossière contenant un mélange de matières minérales et de rhizomes, puis à concasser finement les matériaux contaminés avec un concasseur « adapté », pour ensuite les stocker en attendant leur réutilisation pour un nouveau chantier, ou les évacuer en décharge de classe 3, le cas échéant, car devenus inertes après l’opération de concassage. Cette technique a été expérimentée par le Syndicat intercommunal du bassin versant de l’Yzeron (SAGYRC) et la Compagnie nationale du Rhône (CNR) dans le cadre de travaux de protection contre les crues et de restauration environnementale de l’Yzeron à Oullins (69).
Plus ponctuellement, afin de contenir la germination des graines de plantes invasives contenues dans les terres lors d’un stockage intermédiaire, il a été expérimenté l’ensemencement des terres « contaminées » avec des semences indigènes, à l’aide d’un hydroseeder. Par concurrence végétale, les plantes exotiques envahissantes contenues dans les terres ont ainsi plus de difficultés à se développer.
D’autres techniques restent à explorer et à évaluer, comme par exemple celle, en cours d’expérimentation, consistant à neutraliser le pouvoir germinatif des graines et propagules de plantes invasives par exposition aux ondes magnétiques ou à des micro-ondes (De Wilde et al., 2016, communication non-publiée).
Proposition de pistes d’actions préventives
L’inadaptation actuelle de la réglementation et la difficulté d’étudier la filière ont amené à poursuivre l’analyse sur des pistes d’actions préventives à déployer avant et pendant la phase de chantier, afin de limiter au maximum les risques de dissémination de plantes exotiques envahissantes par les terres contaminées. En effet, un transport non contrôlé des terres facilite la colonisation de nouveaux sites.
Les pistes préventives proposées sont :
- La planification du parcours à emprunter afin de minimiser les risques sur les cours d’eau, les corridors écologiques et les paysages remarquables.
- Le chargement partiel de la benne utilisée, en laissant par exemple une marge d’environ 20 cm de chaque coté afin de limiter les risques de déversement. Le vide laissé devra être recouvert par des membranes hermétiques.
- L’utilisation de véhicules aux bennes étanches ;
- Un nettoyage des véhicules de transports et leur benne après l’opération ;
- Une attention particulière doit également être portée aux pneus et aux arcs de roues, parties des véhicules pouvant facilement accrocher de la terre.
Pour en savoir plus :
Rapport d’études : Terres Végétales et espèces exotiques envahissantes